Tués par la foudre, ou comment l’OCR me lance sur un potentiel collatéral

Temps de lecture : 4 minutes

Pour le généathème de ce mois de décembre, Geneatech nous invite à parler d’une découverte faite grâce à l’OCR – que l’on appelle en français la reconnaissance optique des caractères. Cette technique permet, grâceà des logiciels spécifiques, la traduction d’images de textes imprimés ou dactylographiés en fichiers de texte. Autrement dit, cela permet de faire des recherches en plein texte dans des images. J’utilise très régulièrement – et vous aussi certainement – Gallica et Retronews pour consulter notamment la presse ancienne. Voici une des découvertes que j’ai faite grâce à l’océrisation…

---

Tout part d’un article de journal…

Alors que je faisais des recherches sur mes ancêtres nommés ROUMEJON, dans la presse ancienne sur Retronews, une des occurrences a attiré mon attention. Il s’agit de quelques lignes dans le journal La République française, 26 juillet 1901, qui sont introduites par le titre Tués par la foudre.

Il est question dans ce court article de trois hommes qui travaillaient aux moissons dans un champ et qui ont été foudroyés lors d’un orage en juillet 1901. L’un d’eux est mort sur le coup et porte le nom de ROUMEJON mais l’article ne donne pas son prénom. Les deux autres, blessés, sont appelés les frères PANTEL. En bonne généalogiste, j’ai bien évidemment voulu savoir si je pouvais rattacher ce malheureux à mon arbre.

En faisant une recherche sur le site des archives départementales de Lozère, je trouve rapidement le décès d’un Émile Victor ROUMEJON à la date du 21 juillet 1901, dans les registres du Pont-de-Montvert. Et bien que la raison du décès ne soit pas indiquée dans l’acte, je suis sûre que c’est bien le bon : la date colle avec celle du journal, compte tenu du délai de publication.

J’ai fait une recherche sur le nom PANTEL mais n’ai pas trouvé de décès en 1901 ni en 1902. Il semble donc que les deux “fortement contusionnés” aient survécus, même celui dont on craignait pour sa vie. Sauf, s’ils sont décédés dans une autre commune, ce que je n’ai pas pris le temp de vérifier…

… et d’un acte de décès

Voyons ce que cet acte nous apprend sur Émile Victor. L’acte est daté du 21 juillet, date de la déclaration, mais le décès est survenu “le dix neuf courant mois à trois heures du soir”.

Émile Victor ROUMEJON est âgé de trente sept ans au moment de son décès et travaille comme journalier chez Adrien MOLINES, au Villaret-de-Grizac, sur la commune du Pont-de-Montvert, qui déclare lui-même le décès de son ouvrier.

L’acte nous apprend en outre que Émile Victor est le fils de Victor ROUMEJON et Sophie PARIS [l’officier d’état-civil fait ici deux erreurs : il inverse l’ordre des prénoms du décédé et le patronyme de sa mère est en réalité QUET, PARIS étant le patronyme de sa grand-mère maternelle], qu’il est né et domicilié sur la commune de Bédouès, au hameau de Lavernède (ou La Vernède), et marié à Léonie CORBIER.

En faisant quelques recherches complémentaires, entre Filae et les archives départementales, je trouve son acte de mariage, à Vialas le 26 août 1892.

Son mariage et la naissance de ses enfants

Le mariage a donc lieu le vendredi vingt six août à cinq heures du soir, en la maison commune de Vialas, entre Victor Émile ROUMEJON [l’acte de mariage reprend le bon ordre des prénoms] et Léonie CORBIER. Les parents de l’époux, Victor ROUMEJON et Sophie QUET, ne sont pas présents et ont fait établir leur consentement chez Me MONTEILS, notaire à Florac, le 19 août 1892 [et hop, une demande à noter pour le Fil d’Ariane… ah non, en relisant l’acte je me rends compte qu’il s’agit d’un brevet et qu’il n’y a eu qu’un seul exemplaire de cet acte]. Ceux de l’épouse, Louis Odilon CORBIER et Emilie Victoire ARGENSON, sont, quant à eux, présents et consentants. Je suis étonnée de voir que les bans publiés à la mairie de Bédouès, d’où est originaire le marié, l’ont été “les dimanches quatorze et vingt août écoulés à six heures du matin” et ceux publiés à Vialas, “les mêmes jours à midi”. Ceci dit, les horaires de la fin du XIXe siècle n’avaient rien à voir avec ceux de notre époque…

Il n’y a pas eu de contrat de mariage établi, certainement parce que les deux familles n’ont pas de biens : le père du marié est cultivateur, celui de la mariée maçon et les mères sont toutes deux ménagères.

Les témoins du mariage sont Albert MARION, cultivateur âgé de trente deux ans, beau-frère du futur, Cyprien DELEUZE, appariteur[1] âgé de quarante neuf ans, Firmin GIBERT, instituteur âgé de vingt six ans, et Cyprien ALLIER, âgé de vingt trois ans, tous quatre habitant de Vialas.

L’acte de mariage nous apprend que Victor est né le 4 janvier 1864 à Bédouès, sur le hameau de La Vernède.

Grâce à Filae, je trouve deux enfants, nés à Bédouès, au couple formé par Victor et Léonie : Louise Léonie, née le 30 mai 1893 qui ne vit malheureusement que 15 mois, et Elie Gustave, né le 1er juin 1900.

L’été 1901 a été très orageux sur l’ensemble de la France [2], je suis étonnée que les ouvriers n’aient pas été plus prudents et se mettent à l’abri, même si je sais bien que les moissons sont très importantes. En raison de ce manque de précaution, Léonie se retrouve veuve, à 31 ans, avec son fils âgé d’à peine un an. Pour l’heure, je n’ai pas trouvé de trace d’un remariage.

Cet article fait état de mes recherches au moment où elles se sont arrêtées avant l’été 2022. Je compte reprendre les recherches, maintenant que j’ai retrouvé, en même temps que du temps disponible, l’envie d’écrire… Je ne manquerai pas de mettre cet article à jour dès que j’aurai avancé et relié – ou non – ce pauvre foudroyé à mon arbre.

En ce mois de décembre, Retronews propose un calendrier de l’Avent. N’hésitez pas à tenter votre chance, je viens de gagner un accès complet pendant 30 jours… Bonne chance et bonnes recherches !

Notes :

[1] appariteur = agent attaché à la mairie – source : https://www.cnrtl.fr/definition/appariteur

[2] merci Églantine, notre spécialiste es-météo, pour l’information 🙂