Calendrier de l’Avent – Emmanuel & Adrienne
Il est grand temps de réactiver ce blog qui est en jachère depuis de longs mois… Pour cela, je vous propose un calendrier de l’Avent qui nous fera voyager dans le temps et les générations. J’ai choisi de saisir le prétexte de la date de naissance ou de mariage d’une personne de mon arbre – ancêtre ou collatéral – pour vous parler de lui, d’elle, de sa famille… de ma famille. C’est parti !
Emmanuel jusqu’à la Première guerre mondiale
Emmanuel Gabriel GOURDOUX, mon grand-oncle maternel à la 6e génération, naît à Alès, le 29 juillet 1885 au n° 11 de la rue du 14 juillet – où se situe aujourd’hui l’entrée de service du lycée privé de la Salle. Ses parents, Isidore GOURDOUX et Anne BERNOUIN, ont déjà eu sept enfants mais seuls cinq sont encore en vie : leur premier né, Michel, est décédé quatre mois après sa naissance et leur fille Hermance n’a vécu que deux ans. Ils auront un dernier garçon, mort-né, qui n’a même pas reçu de prénom…
Revenons à Emmanuel… En 1906, il part au service militaire. Il est incorporé au 38e Régiment d’Artillerie à compter du 8 octobre où il est 2e canonnier servant. Il est envoyé dans la disponibilité le 25 septembre 1908. Il rentre chez lui son certificat de bonne conduite en poche.
Nous le retrouvons à Robiac [aujourd’hui Robiac-Rochessadoule], le 15 décembre 1910, où il convole avec Adrienne Pauline BAYLE. Elle est la fille de « Gaston BAYLE, employé au chemin de fer, âgé de cinquante six ans et de Julie Marie ROUSSEL, ménagère, âgée de cinquante un ans, demeurant ensemble au même lieu, présents et consentants« . Emmanuel est, lui aussi, accompagné de ses parents. L’acte de mariage indique que sont également présents
« Henri ATGER, voyageur de commerce, âgé de trente quatre ans demeurant à Alais (Gard) beau frère du futur, Joseph GOURDOUX, employé au chemin de fer, âgé de trente huit ans, frère du futur, demeurant à Alais (Gard), Urbain MAGNIER, cocher, âgé de quarante huit ans, demeurant à Alais (Gard) non parent, ni allié des parties contractantes et Marie LEYRIS, née GOURDOUX, âgée de quarante cinq ans, demeurant à Alais […].
Cet acte de mariage comporte les signatures de quatre membres de la famille Gourdoux, dont deux de mes ancêtres : Isidore et son fils Joseph.
Pour l’heure, je n’ai pas trouvé de descendance à ce couple.
Le 2 août 1914, Emmanuel est mobilisé. Il est affecté au 38e Régiment d’Artillerie de Campagne, 41e Bataillon, cantonné à Nîmes. Ce passage, entre le 21 octobre 1914 et le 10 juillet 1915, lui ouvre les droits à la carte du combattant. Il va falloir que je vois un peu si les archives du Gard ont conservé quelque chose à ce propos… Dès le 17 juillet 1915 et jusqu’au 26 février 1919, il est détaché au titre des forges d’Alais. Il est ensuite « classé affecté spécial 2e section de chemins de fer de campagne en qualité de manoeuvre à la compagnie PLM à Nîmes« , le 27 février 1919. Cette dernière affectation est-elle due au fait que son frère, Joseph, est employé du PLM ?
Emmanuel est définitivement dégagé de toute obligation militaire le 15 octobre 1934.
Emmanuel ouvrier métallurgiste
Au moment de son service militaire, Emmanuel est déjà ouvrier métallurgiste puisqu’il est enregistré comme « dégrossisseur de fer ». Sur son acte de mariage, en 1910 donc, il est indiqué métallurgiste, sans plus de précision. J’avance l’hypothèse, vue la période, qu’il travaillait aux forges de Tamaris dont je vous ai déjà parlé à l’occasion du ChallengeAZ 2016. Les années 1920 sont pour Tamaris une période de prospérité mais aussi de transition car après la production entièrement tournée vers l’effort de guerre, l’usine reprend notamment la production de rails à l’acier Martin, son activité principale.
L’usine « est située dans la vallée du Gardon, sur la rive gauche, face aux anciennes mines de Rochebelle, à 2,5 km au nord de la ville d’Alais ; elle s’étend sur une superficie de 28 hectares et se trouve adossée à une colline, comme l’étaient presque toutes les anciennes usines métallurgiques« .
L’usine comprend différents services :
- le service des minerais,
- le service de la carbonisation et des hauts-fourneaux : 97 fours en activités et 1 haut-fourneau sur 3 en 1919,
- le service de l’aciérie qui compte 3 fours (2 Martin Siemens et 1 Harvey),
- le service des laminoirs qui occupe le plus grand nombre d’ouvriers,
- le service des ateliers de construction : ajustage, fonderie de fonte et de bronze, fonderie d’acier, boulonnerie et tirefonnerie, forgeage et estampage, chaudronnerie, station d’électricité,
- les services annexes : chemin de fer, laboratoire, services adminitratifs.
En 1929-1930, l’annuaire du Comité des forges compte 2323 ouvriers inscrits. En 1932, il n’y en a plus que 1100, au rang desquels se trouvent 25 femmes.
Revenons-en au métier d’Emmanuel. Il est, nous l’avons vu, dégrossisseur de fer « terme vernaculaire désignant l’ouvrier lamineur chargé des premières opérations de laminage : le dégrossis. Ces ouvriers sont au nombre de deux de chaque côté de la cage de dégrossis ». Il travaille donc au service des laminoirs. J’ai trouvé un mémoire qui détaille le travail dans les forges de Syam dans le Jura, on peut supposer que l’organisation à Tamaris devait être assez similaire. On apprend ainsi la chaine opératoire du laminage, « de l’introduction de la billette dans le four et finit à la dernière passe du finissoir » :
- introduction de la billette [sorte de grand tasseau de métal coulé dont la dimension varie entre 50 et 120 mm et la longueur de 5 à 18 m] dans le four
- parcours dans le four (chauffe)
- sortie du four
- parcours du four au dégrossis (1e passe)
- passes de dégrossis [vraisemblablement le poste de travail occupé par Emmanuel]
- passes de carré
- passes d’avant
- passe(s) de refoulage
- passe de finissage
- refroidissoir
Ces différentes « séquences techniques correspondent chacune à un poste de travail, la succession de ces postes de travail définissant un parcours professionnel au sein de l’entreprise, selon une certaine hiérarchie« . Il ne s’agit pas d’une véritable hiérarchie mais « les différents postes de travail occupés le sont suivant un ordre hiérarchique défini, qui se concrétise par l’exécution d’un geste technique différent, généralement plus complexe et plus stratégique« . L’autorité est détenue par le chef lamineur, les postes de travail se répartissent comme suit, en montant l’échelle hiérarchique :
- apprenti ou manoeuvre
- avioteur
- lamineur à l’avant
- refouleur (qui est son vis-à-vis)
- dégrossisseur [le poste occupé par Emmanuel au moment de son service militaire]
- finisseur ou premier lamineur
- chef lamineur
Emmanuel a-t-il suivi toutes ces étapes pour monter dans la hiérarchie des forges de Tamaris, si c’est bien là qu’il travaillait ? A quel âge y est-il entré ? Quand est-il parti à la retraite ?
Voilà encore bien des questions qui restent pour le moment sans réponse… Les archives municipales de la ville d’Alès conservent un important volume d’archives sur la Compagnie des mines, fonderies et forges d’Alès, notamment des dossiers de personnel. J’espère être en mesure, au printemps, d’aller faire un saut à Alès lors d’un de mes séjours dans le sud pour étudier tout ça et chercher une trace d’Emmanuel… Ce sera l’occasion de repasser au cimetière, sur la tombe de mes arrières-grands-parents.
Notre lien de parenté
Sources
- Acte de naissance d’Emmanuel, Alès, Naissances (1885), 5 E 6398, Archives départementales du Gard
- Fiche matricule d’Emmanuel, Alès, Registres matricules des classes, 1 R 936, Archives départementales du Gard
- Acte de mariage d’Emmanuel et Adrienne, Alès, Mariages (1903-1912), 5 E 7569, Archives départementales du Gard
- Roux Jean-Jacques, « Politique sociale et rapports sociaux : la Compagnie des mines, fonderies et forges d’Alais de 1920 à 1930« , La Gazette des archives, n° 168, 1995. Archives municipales et patrimoine industriel (actes du colloque de la Section des archivistes municipaux de l’AAF, Elbeuf, 25-27 mai 1994), p. 149-163
- Lioger Richard, Histoire de mémoire technique. Le savoir-faire des lamineurs des Forges de Syam (Jura), Laboratoire de Sociologie Anthropologie, Faculté des Lettres, Besançon, Mission du Patrimoine Ethnologique, 1988