Branche Meynadier,  Généalogie

RDVAncestral autour d’un acte de réhabilitation

Temps de lecture : 7 minutes
En septembre 2016, Guillaume du Grenier des Ancêtres a initié le #RDVAncestral : chaque 3e samedi du mois, il s’agit de partir à la rencontre d’un de ses ancêtres et de la raconter… Ce récit, bien que basé sur des faits réels, est donc tout droit sorti de mon imagination. On y va ?

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Le rendez-vous

Lundi 10 novembre 1788, Saint-Germain-de-Calberte (Lozère). J’arrive à l’entrée du village dans la matinée.

Saint-Germain-de-Calberte (48) – Source : Delcampe

J’aperçois au loin mon but : l’église du village. C’est là que j’ai rendez-vous mais je ne sais pas avec qui ni pourquoi…

Je continue donc mon chemin jusqu’au centre du village et j’entre dans l’église. J’entends des voix et je me dirige vers elles. Je pousse la porte de la sacristie et me faufile dans la pièce en me faisant la plus discrète possible… de la dizaine de visages qui se tournent vers moi, un seul me sourit en semblant me reconnaître, ce qui ne laisse pas de m’étonner. Je comprends tout de suite qu’il s’agit de Jacques SEQUIER, mon sosa 174. Je lui rends son sourire et m’installe sur une chaise au fond de la pièce.

– Maintenant que nous sommes tous là, je vous propose de commencer, dit le curé en prenant des feuillets sur la table devant lui et les parcourant rapidement.

– Vous venez déclarer des mariages contractés devant notaire et les naissances qui en sont issues, en conformité avec l’édit du roi en date de novembre 1787.
Tout d’abord, le mariage de Jacques ELZIERE [sosa 350] et Marie ROQUE [sosa 351] qui a été contracté « devant Me Pin notaire royal de St Frezal de Ventalon le onzieme janvier 1757 » et de cette union sont nés « sept enfants légitimes […] Marguerite, qui décéda quelques temps après sa naissance ; […] Marie née le 28 octobre 1760 et baptisé le douze novembre suivant ; […] Jacques né le vingt mars 1764, baptisé le quiziemme avril suivant ; […] Jeanne née le vingt neuf mars 1768 baptisé le six avril suivant ; […] Louis né le six avril 1772 baptisé le dix neuf dudit mois ; […] Jean né le deux avril mil sept cens septante cinq baptisé le quinze dudit mois & […] Augustin Louis né le dix neuf avril 1779 baptisé le trente dudit mois. » 

– C’est bien ça, répond l’intéressé.
– Vous voudrez bien signer l’acte, ainsi que votre épouse et les témoins, dit le curé.
– Je ne sais pas signer, ni mon épouse, répond Jacques.
Les témoins indiquent qu’ils savent.
– Très bien, je le note dans l’acte.

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Déclaration du mariage de Jacques ELZIERE et Marie ROQUE, détail – Source : Archives départementales de Lozère

– Ensuite, celui de Jacques SEQUIER [sosa 174] et de Marie ELZIERE [sosa 175] qui a été contracté « devant Me Dumazel notaire royal dudit St Germain [de Calberte] le trois janvier 1780 » et de cette union sont nés « trois enfans légitimes […] Marie née le quinze novembre 1780, baptisée le vingt six dud mois ; […] Jeanne née le vingt janvier mil sept cens quatre vingt trois, baptisée le deux février suivant ; Jacques né le dix huit avril 1786 baptisé le vingt neuf dud mois. » »

– C’est ça, répond Jacques en me jetant un coup d’œil – comme pour me demander si j’ai bien pris note de toutes les informations données.

Il est sûr que je vais avoir des recherches à faire maintenant qu’on m’a pratiquement tout servi sur un plateau…

– Jacques Sequier, vous avez signé l’acte de mariage précédent en tant que témoin mais qu’en est-il de votre femme, sait-elle signer ?, demande le curé.
– Non, je ne sais pas, répond Marie.
– Bien, je le note.

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Déclaration du mariage de Jacques SEQUIER et Marie ELZIERE, détail – Source : Archives départementales de Lozère

Une fois la dernière signature apposée, le curé raccompagne le groupe à la porte de l’église. J’en profite pour m’approcher de Jacques SEQUIER et le questionner sur la scène à laquelle je viens d’assister.
– Je veux bien te raconter mais à condition que tu nous accompagnes sur la route du retour car il ne faut pas tarder, la nuit vient vite en cette saison. La récolte quotidienne des châtaignes n’attendra pas et il y a presque deux heures de marche pour remonter au Vernet…

C’est ainsi que nous prenons la route. Jacques me présente alors à son épouse et à ses beaux-parents, en leur expliquant que je suis une lointaine parente… Ils semblent un peu étonnés de ne pas avoir entendu parler de moi avant mais n’en disent rien.

– Tu viens d’assister à la régularisation devant le curé de nos mariages au Désert et de la naissance de nos enfants. Tu sais peut-être que, depuis la révocation de l’édit de Nantes, nous n’avions plus aucune existence légale puisque la « religion prétendue réformée » n’existait plus. Depuis novembre 1787, nous, les protestants, pouvons à nouveau faire enregistrer nos actes d’état-civil. C’est pour ça que mon beau-père vient de déclarer son mariage contracté il y a 31 ans.
Quant au mien de mariage, il a été déclaré devant le notaire mais a aussi été béni par le pasteur Mazauric, lors d’une assemblée clandestine à Saint-Etienne-Vallée-Française, le 20 janvier 1780. Tu sais, heureusement que les persécutions avaient pratiquement disparu, on ne risquait plus nos vies comme au temps du mariage du père et de la mère.

Mariage au desert
Mariage au Désert, gravure de Samuel Bastide © Musée du Désert – Source : Musée virtuel du protestantisme

Les explications de Jacques prennent fin et, avec elles, mon bout de chemin avec eux : il est temps pour moi de regagner mon époque.

– J’espère que nous aurons l’occasion de nous rencontrer à nouveau, me dit Jacques.

Je leur adresse un dernier signe et repars vers le village, pleine d’une vitalité nouvelle, pour les recherches à venir qui s’annoncent passionnantes…

L’Histoire

Avec la révocation de l’édit de Nantes en 1685, il n’existe plus de protestantisme en France et l’état civil protestant est supprimé. « Ceux qui ne se plient pas aux nouvelles dispositions seront poursuivis des rigueurs de la loi (ou devront quitter le royaume) et ceux qui restent devront se soumettre. Ce sont les « nouveaux convertis » qui vont donc faire baptiser leurs enfants et faire convalider leurs mariages par le curé du lieu afin de bénéficier des effets civils du mariage canonique. Ces actes sont conservés dans les registres de catholicité.

Cependant, on oublie souvent que « la liberté de conscience reste acquise au huguenot pourvu qu’il le demeure en privé. On va donc s’engager effectivement dans une longue période de double jeu dont personne ne sera dupe (et surtout pas les curés de campagne qui connaissent tout leur monde), hypocrisie qui perdurera pratiquement jusqu’au règne de Louis XVI. »

Avec l’édit de Versailles dit de tolérance signé par Louis XVI, « ceux qui ne font pas profession de la religion catholique » retrouvent une existence légale. On leur accorde le mariage civil mais pas le culte public. « Une forme juridique nouvelle est donc instituée qui aura les mêmes effets civils que le mariage en forme canonique pour les catholiques et qui ne comprend pas de célébration religieuse à l’église catholique. Le choix est laissé de faire enregistrer le contrat de mariage par le curé (agissant comme simple officier d’état civil dans les villages où n’existe pas de justice royale notamment) ou par le juge royal du domicile. Le mariage sera consigné dans des registres prévus à cet effet. Cet enregistrement produisant les mêmes effets que la cérémonie religieuse catholique dont on est dispensé. […] Les règles en sont celles du droit canonique : publication des bans, conditions d’âge et d’empêchement, même régime pour les dispenses, levées d’opposition, autorisations, etc. »

Ne m’étant pas trop penchée sur mes ancêtres protestants jusqu’à présent, j’avais seulement connaissance de ces actes de réhabilitation que je n’avais encore jamais rencontrés. C’est grâce à l’arbre en ligne de Pierre-Marie Elzière trouvé sur Geneanet à l’aide des correspondances que j’ai remonté la piste. Comme quoi, bien sourcer ses recherches est très important ; non seulement pour soi mais aussi pour ceux avec qui nous partageons nos données.

Il me faut maintenant partir à la recherche des enfants qui ont pu naître dans les années qui ont suivi l’acte de réhabilitation du mariage de Jacques SEQUIER et Marie ELZIERE. J’ai commencé à relever les noms sur les tables décennales. Les vérifications vont commencer incessamment…

Le résumé généalogique

Jacques ELZIERE (1733-1814) X Marie ROQUE (1733-1818)
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Marie ELZIERE (1760-1826) X Jacques SEQUIER (1742-1810)
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Marie SEQUIER (1780-après 1837)
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Louise Émilie MAZAURIC (1814-?)
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Louise Alix AUSSET (1839-1900)
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Aimé Jules MEYNADIER (1881-1969)
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Hélène Aimée MEYNADIER (1921-2007)
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Mon père
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Moi

Et vous, un RDVAncestral vous a-t-il aussi permis de faire repartir vos recherches ?


Sources :

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