R comme résistants
Valentin BORGIA, dont je vous ai déjà parlé à la lettre E et à la lettre G, avait 2 frères plus jeunes que lui. Le premier, Jean, est né le 18 juillet 1921 à Paesana (Italie), avant que ses parents émigrent en France.
Le second, Antoine, est né le 6 mai 1924 à Bréry (Jura), là où la famille s’est établie à son arrivée en France.
Dans le dossier de demande de naturalisation de leurs parents, il est indiqué que « les enfants ont fréquenté l’école française et trois sont titulaires du Certificat d’études primaires« . Je n’ai pas trouvé d’éléments plus précis mais il s’agit certainement des trois aînés, les trois garçons.
C’est au moment où je faisais des recherches sur Valentin que je suis tombée sur les fiches de Jean et Antoine sur Mémoire des Hommes. Voilà donc que les trois garçons de la famille ont été résistants ! J’ai demandé les dossiers au SHD de Caen et fait une petite virée à Vincennes. C’est ainsi que j’ai maintenant en ma possession une copie de leurs dossiers qui m’ont permis d’écrire ce qui suit…
Jean
Jean mesurait 1m65, avait les cheveux noirs, les yeux bruns, le nez ordinaire et il lui manquait les dents de devant. Il était journalier, cultivateur.
En 1942, il est envoyé au chantier de jeunesse n° 7 « Le Fier » basé à Rumilly (Haute-Savoie). Ce groupement créé le 17 août 1940 et dissous le 9 août 1943 accueillait de nombreux jeunes Alsaciens et Mosellans expulsés ou évadés des départements de l’est annexés par le Reich, ils ont rapidement constitué l’essentiel de l’encadrement. Sa devise était « Il faut que France continue ».
Début avril 1943, Jean quitte le domicile parental – certainement à l’occasion d’une permission – et rejoint le maquis de la Montagne des Princes qui cachait les réfractaires au STO. Une trentaine de jeunes ont été concernés jusqu’à ce qu’un Alsacien jouant double-jeu dénonce le maquis.
Ce sont les troupes italiennes d’occupation, des chasseurs alpins, qui ont arrêté les réfractaires, le 28 mai 1943. Les prisonniers ont d’abord été détenus à la caserne de Galbert à Annecy avant d’être transférés pour être jugés à Breil-sur-Roya par le Tribunal militaire de la IVe Armée italienne. Le 9 juillet, Jean est condamné à 6 ans de prison pour « participation à bande armée contre les troupes italiennes » et envoyé – avec les autres prisonniers – en Italie, d’abord à la Calceri Guidassaric de Cuneo de fin juillet au 9 septembre puis à celle de Fossano.
Le dossier de résistant déporté indique qu’il a été « délivré par les partisans italiens [et que] tout le groupe a pris le maquis italien« , le 11 septembre. A partir de là, on perd sa trace et son père a rempli un dossier de régularisation de l’état-civil d’un « non-rentré » en 1946. Ainsi, son décès a été arrêté au 31 juillet 1943 et inscrit dans les registres de Bréry.
En continuant mes recherches, j’ai trouvé la référence d’un ouvrage dans lequel il est indiqué que Jean s’est bien évadé de la prison de Fossano le 11 septembre 1943 et qu’il se serait engagé dans la 212e brigade Maruffi, de la 14e division Garibaldi « Capriolo ». Il serait mort au combat lors de l’assaut de l’Auberge Miramonti di Garessio (Cuneo), le 26 février 1944.
Après le challenge, je vais reprendre les recherches de ce côté-là, car j’ai aussi déniché d’autres références d’ouvrages mais en italien et je n’ai pas eu le temps d’aller les consulter. J’ai déjà prévu une session de travail à La Contemporaine, bibliothèque-musée spécialisée dans l’histoire contemporaine et les relations internationales des 20e et 21e siècles.
Antoine
Antoine mesurait 1m72, avait les cheveux châtains clairs, les yeux bruns, le nez ordinaire et une bonne dentition. Il avait aussi un signe particulier : un petit grain de beauté au-dessus de la lèvre.
Comme son frère Jean, il avait rejoint le maquis. Sous le pseudonyme Antonio, il a été FFI au titre du Secteur A.S. Rumilly – Haute-Savoie – du 8 avril au 28 mai 1943, lorsqu’il a été fait prisonnier à la Montagne des Princes.
Il a également été jugé au tribunal militaire de Breil-sur-Roya et condamné à 3 ans de prison pour « participation à bande armée contre les troupes italiennes« . Lui aussi est transféré à Cuneo puis à Fossano. Il fait partie des évadés de la prison le 11 septembre 1943, date à laquelle on perd sa trace. Son père a également rempli un dossier de régularisation de l’état-civil d’un « non-rentré » en 1946. Et comme pour son frère Jean, son décès a été arrêté au 31 juillet 1943 et inscrit dans les registres de Bréry.
D’après le site de l’ordre de la Libération, Antoine a été médaillé à titre posthume par décret du 22 mars 1960. Il ne me reste plus qu’à aller aux Invalides pour consulter son dossier…
A priori, leurs corps n’ont pas été rapatriés à Bréry mais la tombe familiale porte une plaque en leur souvenir.
Sources :
- Acte de naissance de Jean, Stato civile di Paesana
- Bulletin de naissance d’Antoine, SHD Caen, AC 21 P 428429
- Dossier de demande de naturalisation de Sebastiano et Maria, Archives nationales, BB 11 12423
- Dossier de déporté résistant de Jean, SHD Caen, AC 21 P 27296
- Dossier de FFI de Jean, SHD Vincennes, GR 16 P 74235
- Les chantiers de jeunesse (Alpes-Jura), Prisonniers de guerre
- A l’écoute d’une enfant de déporté (Albert André, résistant) par Martine Giboureau, Cercle d’étude de la déportation et de la Shoah
- Dossier de déporté résistant d’Antoine, SHD Caen, AC 21 P 428429
- Dossier de FFI d’Antoine, SHD Vincennes, GR 16 P 74234
- Michel Germain, Mémorial de la déportation : Hautes-Savoie, 1940-1945, La Fontaine de Siloë, 1999
- Fiche Médaillé d’Antoine, Ordre de la Libération
3 commentaires
Christelle
Bravo Delphine, et merci de les faire revivre un instant !
Sébastien Dellinger
Un bel hommage à ces deux jeunes hommages qui ont laissés leur vie pendant cette période sombre de l’histoire. Bravo pour ces recherches et le travail bibliographique.
Delph Valmalle
Merci Sébastien pour tes lectures attentives et régulières, et tes commentaires 🙏