Généalogie

Sur les traces de Léon…

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Région de Poperinghe, le 25 avril 1915, dans l’après-midi, avec les 4 compagnies qui composent le 9e bataillon de marche d’infanterie coloniale.

Arrivant de la Somme, Elincourt, puis Mezerolles via Frohen-Le-Grand, les hommes ont fait route depuis la veille en fin d’après-midi. A peine débarqués des autobus qui les ont transportés, les soldats se mettent à installer le bivouac. Ils cantonnent près de la ferme de l’Hôpital, au S.O. de Elverdinghe. Ils ne savent pas encore qu’ils vont quitter ce bivouac à 20 h pour aller « s’établir en cantonnement d’alerte à Brielen à 2 km au N.O. d’Ypres [1] ». Ils y ont été envoyés « pour renforcer les alliés britanniques qui résistent avec courage aux attaques répétées des armées de Flandres [2] ». Nous sommes 3 jours après le début de ce qui est connu comme la 2e bataille d’Ypres et qui va durer du 22 avril au 25 mai 1915.
Le lendemain matin arrive l’ordre que « l’attaque doit avoir lieu à 14 heures [1] ».

Le journal de marche et opérations (JMO) du 9e bataillon de marche d’infanterie coloniale donne les détails de cette journée au cours de laquelle ses troupes vont se trouver amputées de 5 officiers (1 tué et 4 blessés) et de 105 hommes de troupe (11 tués ou asphyxiés, 55 blessés, 39 disparus).

« L’attaque doit avoir lieu à 14 heures, suivant un axe NS. passant par la ferme Mortelje, où se termine une ligne de tranchées indivise entre français et anglais. Entre la ferme et les lignes anglaises à l’ouest de la ferme, il y a un trou d’environ 500 mètres. »

« Le 9e Bataillon quitte Brielen vers 10 heures dans l’ordre suivant, déterminé par le sort : 1e, 4e, 2e, 3e compagnies. Il franchit le canal de l’Yser sur des passerelles à l’est de la ferme Noordhof. Guidé par son chef, il effectue une marche d’approche à l’abri des vues, dans le ravin orienté Ouest-Est, dont le thalweg passe à 400 mètres environ au S de la ferme Mortelje.
Progressant d’abri en abri et homme par homme, les 1e et 2 Cie sont arrivées presque sans perte malgré une violente canonnade et le feu des mitrailleuses battant la route de Pilkem. Les 3e et 4e Cie sont dans le ravin et n’ont pas encore dépassé la route de Pilkem à 14 heures au moment où la 1e Cie, en liaison avec les troupes anglaises va se lancer à l’attaque.
A cet instant les tranchées allemandes se voilent d’un nuage d’épaisse fumée, qui apportée par le vent sur nos lignes y produit des phénomènes d’asphyxie caractérisée. »

C’est de derrière la ferme de Mortelje que s’élève, après un sifflement prolongé, ce brouillard de couleur jaunâtre. Et les poilus, essoufflés par leur course, aspirent le gaz chloré et tombent foudroyés, à demi-asphyxiés.

« Les tranchées françaises sont abandonnées par une partie de leurs défenseurs à demi-suffoqués. Les 1e et 2e Cie se replient sous un feu de mitrailleuses intense et vont se reformer sur le plateau en arrière. Elles perdent dans ce mouvement une partie de leurs officiers et de nombreux hommes de troupe, tués, blessés ou asphyxiés.

Les 3e et 4e Cie échappent par leur position aux effets des vapeurs de chlore ; le capitaine Barbet fait garnir immédiatement par la Cie une partie des tranchées entre la ferme Mortelje et la route de Pilkem, la 3e Cie l’appuie. Les 2 compagnies se maintiennent là jusqu’au soir où elles sont remplacées par des tirailleurs algériens.
A la nuit elles rejoignent les 1e et 2 Cie.
Le bataillon se reforme sur le plateau situé à Turrion 1 kilomètre au SSO de la ferme Mortelje.
Les pertes de la journée se sont produites principalement pendant le mouvement de repli. » [1]

C’est au cours de cette opération de repli que Léon Marius CAZALS a perdu la vie.

Léon Marius CAZALS

Léon Marius est l’arrière-grand-père de Fanny, une amie de ma sœur.

Le 21 février 1884, Louis Napoléon Marius CAZALS, cultivateur âgé de 21 ans, convole avec Rosine Irma Fanny GASSENQ, 19 ans [3]. Le mariage se déroule à Saint-Martin-de-l’Arçon (Hérault), commune de naissance et de résidence de la mariée. Je doute que Fanny ait porté une robe blanche ce jour-là : à peine deux mois plus tard venait au monde le premier enfant du couple. Jeanne Marthe Fanny est née au hameau de Tarassac, sur la commune de Mons, le 26 avril 1884 [4].

Quelques années plus tard, le 18 juin 1887 [6] à Mons, au hameau de Tarassac (Hérault), Léon Marius vient agrandir la famille [5]. C’est Napoléon – que l’on doit appeler Léon puisque c’est sous ce prénom qu’il est inscrit dans l’acte – son père qui déclare sa naissance le lendemain.

Les deux ainés sont rejoints par un petit frère, Léopold Ernest Armand, le 11 juillet 1890 [6].

L’année suivante, en 1891, j’ai retrouvé la famille dans le recensement mais, bizarrement, seuls Marthe, âgée de 8 ans, et Léopold, âgé d’1 an, apparaissent. Qu’est-il advenu de Léon ? Est-il en nourrice ? Le foyer compte également deux oncles de Napoléon, Antoine âgé de 59 ans et Étienne âgé de 68 [7].

En 1896, toujours pas de Napoléon mais un seul oncle, Antoine qui a maintenant 64 ans. Il faut que je recherche la date de décès d’Étienne. Et, surprise !, il y a un Léopold âgé de 5 ans et un Armand âgé de 4 ans [8]. J’ai passé en revue les tables décennales, pas de trace de cet Armand dans les naissances. Il semblerait qu’on ne puisse pas vraiment se fier à ce recensement…

Le 3 juillet 1899, alors qu’il n’a que 36 ans, Napoléon décède [9]. Je vais essayer de voir si je trouve des infos dans la presse régionale. Si c’est le cas, ça sera l’occasion d’un nouvel article…

C’est pourquoi dans le recensement de 1901, Fanny est chef de famille [10]. Dans ce recensement, on retrouve Léon. Il a maintenant 14 ans, son frère Armand 11. Apparaît une Alida âgée de 8 ans. Se pourrait-elle qu’il s’agisse en fait de Palmyre Héloïse dont j’ai trouvé la naissance, le 18 février 1894 à Mons [11] ? La fratrie se complète avec Irénée Denys, né le 8 octobre 1897 [12].

En 1908, bien que soutien de famille, Léon doit partir sous les drapeaux pour faire son service militaire. Grâce à sa fiche matricule [13], on apprend sa description physique : « cheveux : châtains, sourcils : châtains, yeux : châtains, front : large, nez : aquilin, bouche : moyenne, menton : rond, visage : rond, taille : 1,68 m ». Il avait un niveau d’instruction générale de 2, ce qui signifie qu’il savait lire et écrire (sait signer). Le 8 octobre, il est incorporé au 96e régiment d’infanterie comme soldat de 2e classe. Il est nommé soldat de 1e classe le 10 octobre 1909. Il termine son service militaire le 25 septembre 1910, son certificat de bonne conduite en poche.

Quelques mois après, il épouse Germaine Marie Rose Jeanne BASSAGET [14] le 29 décembre 1910 à Mons. Elle est née à Marsillargues, le 31 mai 1886 d’Émile BASSAGET et Léa ENCONTRE [15]. Elle est institutrice à Mons. C’est certainement là qu’ils se sont rencontrés. Il va falloir que je fasse quelques recherches sur son parcours professionnel…

Le 17 mars 1912, la famille s’agrandit avec la naissance de Simone Arlette [16]. Elle ne profitera pas de son papa bien longtemps…

Léon est affecté au 4e régiment d’infanterie coloniale [13]. Puis, le 31 octobre 1914, il passe au Dépôt commun des régiments mixtes et coloniaux sénégalais et du 1er régiment de marche du Maroc, auquel appartient le 9e bataillon de marche de l’infanterie coloniale. Il participe avec son bataillon à la 2e bataille d’Ypres et y laisse sa vie le 26 avril 1915 [17]. Il avait 27 ans.

Il est probable qu’il a été enterré au cimetière Saint Charles de Potyze, la nécropole nationale française d’Ypres. Malheureusement, son corps n’a jamais été identifié car « à partir d’avril 1915, les troupes françaises perdent le secteur d’Ypres–Zonnebeke, et le cimetière se retrouve rapidement dans la ligne de tir. Les tombes disparaissent les unes après les autres, et presque plus rien ne laisse deviner la présence d’un cimetière à la fin de 1917 » [18].

 
Le 9e bataillon de marche d’infanterie coloniale

Ce régiment a été créé par le décret ministériel 2211/8 du 30 juillet 1912. Sa composition au moment de sa création était « État-Major. 4 compagnies, petit État-major. Section hors-rang et section de mitrailleuses« .

Il a été déployé au Maroc du 27 août 1912 au 13 août 1914 inclus. Il est ensuite rapatrié en Europe du 16 août 1914 au 25 juillet 1915 puis à nouveau envoyé au Maroc du 30 juillet 1915 au 30 septembre 1916. Il est possible qu’il y soit resté plus longtemps mais le JMO s’arrête à cette date et, pour l’heure, je n’ai pas réussi à trouver d’autres informations.

La 2e bataille d’Ypres – la bataille de Saint-Julien

Cette bataille a opposé la IVe Armée allemande aux troupes alliées britanniques, belges et françaises du 22 avril au 25 mai 1915. Elle est la seconde tentative allemande pour prendre le contrôle de la ville flamande d’Ypres en Belgique, après celle de l’automne 1914. C’est lors de ces combats que l’Armée allemande utilise pour la première fois des gaz de combats toxiques à grande échelle sur le front de l’Ouest.

Cette bataille peut être divisée en quatre parties distinctes :

  • Bataille de Gravenstafel : 22 au 23 avril 1915
  • Bataille de Saint-Julien : 24 avril – 4 mai 1915
  • Bataille de Frezenberg : 8 – 13 mai 1915
  • Bataille de Bellewaarde : 24 – 25 mai 1915.

« Les Allemands utilisèrent les gaz de combat une cinquantaine de fois d’avril 1915 à septembre 1917. Au printemps 1916, ils utilisèrent jusqu’à 500 000 kg de substances chimiques et au printemps 1917 encore 300 000. L’attaque la plus spectaculaire, car la première de tous les temps, eut lieu le 22 avril 1915, entre Bixschoote et Langemarck, dans les Flandres. » [19]

Pour en savoir plus sur la bataille de Saint-Julien : https://artois1418.skyrock.com/3089156105-BATAILLE-DE-ST-JULIEN-24-AVRIL-AU-5-MAI-1915.html


SOURCES

1. JMO du 9e Bataillon colonial, Mémoire des Hommes – http://www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr/fr/ark:/40699/e0052793984d7740/56d34465ecae8

2. Historique du régiment d’infanterie coloniale du Maroc (1914-1930), Gallica – https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k64524209

3. Acte de mariage de Louis Napoléon Marius CAZALS et Rosine Irma Fanny GASSENQ, Archives départementales de l’Hérault (AD 34)- http://archives-pierresvives.herault.fr/ark:/37279/vta557bb1a8495c6/daogrp/0/40

4. Acte de naissance de Jeanne Fanny Marthe, AD 34 – http://archives-pierresvives.herault.fr/ark:/37279/vtadfd08def910d1821/daogrp/0/43

5. Acte de naissance de Léon Marius, AD 34 – http://archives-pierresvives.herault.fr/ark:/37279/vtadfd08def910d1821/daogrp/0/102

6. Acte de naissance de Léopold Ernest Armand, AD 34 – http://archives-pierresvives.herault.fr/ark:/37279/vtadfd08def910d1821/daogrp/0/149

7. Recensement, Mons, 1891, AD 34 – http://archives-pierresvives.herault.fr/ark:/37279/vta5599c4a74ca84/daogrp/0/25

8. Recensement, Mons, 1896, AD 34 – http://archives-pierresvives.herault.fr/ark:/37279/vta5599c4a75bf91/daogrp/0/24

9. Acte de décès de Louis Napoléon Marius, AD 34 – http://archives-pierresvives.herault.fr/ark:/37279/vtaac030a7606477f5e/daogrp/0/141

10. Recensement, Mons, 1901, AD 34 – http://archives-pierresvives.herault.fr/ark:/37279/vta5588d2c166183/daogrp/0/9

11. Acte de naissance de Palmyre Héloïse, AD 34 – http://archives-pierresvives.herault.fr/ark:/37279/vtaac030a7606477f5e/daogrp/0/53

12. Acte de naissance d’Irénée Denys, AD 34 – http://archives-pierresvives.herault.fr/ark:/37279/vtaac030a7606477f5e/daogrp/0/102

13. Fiche matricule de Léon Marius, AD 34 – http://archives-pierresvives.herault.fr/ark:/37279/vtada9c8b8a59accaae/daogrp/0/147

14. Acte de mariage de Léon Marius et Germaine Marie Rose Jeanne BASSAGET, AD 34 – http://archives-pierresvives.herault.fr/ark:/37279/vta70000bd41921acd0/daogrp/0/123

15. Acte de naissance de Germaine Marie Rose Jeanne, AD 34 – http://archives-pierresvives.herault.fr/ark:/37279/vtaf350f673448787f3/daogrp/0/317

16. Acte de naissance de Simone Arlette, AD 34 – http://archives-pierresvives.herault.fr/ark:/37279/vta70000bd41921acd0/daogrp/0/147

17. Fiche « Mort pour la France » de Léon Marius CAZALS, Mémoire des Hommes –  http://www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr/fr/ark:/40699/m005239ddb1510b6/5242bcc8981e5

18. Visite de classe du cimetière français Saint-Charles-de-Potyze : fiche explicative, In Flanders Fields museum – http://www.inflandersfields.be/images/filelib/WBFranseMBSO2015FR_2082.pdf

19. Ypres, 22 avril 1915 : les premières attaques au gaz de combat, Chemins de mémoire – http://www.cheminsdememoire.gouv.fr/fr/ypres-22-avril-1915-les-premieres-attaques-au-gaz-de-combat

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